Liège-Décroissance

Ukraine

450 euros par famille européenne pour la guerre

Par Hervé Poly, le 4 octobre 2024

[…] l’institut Kiel, basé en Allemagne, souligne que l’aide militaire du gouvernement français à l’Ukraine entre le 24 février 2022 et le 31 décembre 2023 se chiffre à 3,8 milliards € […]

Toujours selon le rapport du Kiel Support Tracker (données d’avril 2024), l’Ukraine a reçu, depuis le début de la guerre, une aide totale financière et militaire de 102 milliards € des pays et des institutions européens dont 87 milliards provenant de l’Union européenne. Cette aide est majoritaire sous forme militaire à hauteur de 47 milliards €.

Pour se représenter ces chiffres, il faut les ramener à une échelle tangible. Si l’on considère qu’il y a environ 200 millions de familles dans l’Union européenne, l’aide versée par l’UE à l’Ukraine depuis le début du conflit représente environ 450 euros par famille. Notons que le budget militaire de l’Ukraine en 2024 est évalué à 43 milliards € par le gouvernement ukrainien. Il apparaît donc clairement que la très large majorité des dépenses militaires de l’Ukraine sont en réalité financées par l’UE et les USA.

Dans cette sale guerre, l’Ukraine fournit essentiellement la chair à canon. Dans ce destin sordide, l’Ukraine subit depuis des mois une saignée sur le front le plus important pour une nation, le front démographique. Le manque de soldats a poussé Zelensky à une nouvelle loi de mobilisation qui baisse l’âge de 27 à 25 ans. Certains jusqu’au-boutistes appelant à mobiliser dès l’âge de 18 ans […]

La piste d’Istanbul

Éditorial du Monde Diplomatique, juin 2024

Mais que font donc les journalistes et commentateurs français, d’ordinaire si friands de « documents secrets » sur la Russie ! Eux qui traquent tout « plan caché » de Moscou visant à dissoudre la cohésion des sociétés démocratiques, toute « taupe » russe tapie dans l’appareil d’État ? Le 28 avril, le quotidien conservateur allemand Die Welt leur servait sur un plateau d’argent un projet confidentiel venu de l’Est, la dernière mouture de l’accord de paix négocié par Kiev et Moscou au début de la guerre. Un texte d’importance donc, dont l’adoption aurait pu éviter deux ans d’affrontements et des centaines de milliers de morts. Les médias hexagonaux n’en ont presque rien fait (1), peut-être soucieux de ne pas creuser une affaire où le camp des va-t-en-guerre occidentaux ne tient pas le meilleur rôle.

Istanbul, 29 mars 2022. Les délégations russe et ukrainienne se retrouvent pour un nouveau round de négociations, le septième en un mois, dans un contexte militaire mouvant où l’agresseur russe essuie ses premiers revers. Au terme des discussions, chaque camp salue des avancées « significatives » et affiche son optimisme. Kiev ouvre la porte à un statut de neutralité, Moscou à un cessez-le-feu. Pourtant les discussions s’interrompent, pour des raisons qui demeurent débattues. Le document de Die Welt apporte quelques précisions.

D’après la version officielle, la révélation des massacres de Boutcha, dans les premiers jours d’avril, aurait changé la donne, convainquant le président Volodymyr Zelensky qu’il ne pouvait plus négocier avec des « génocidaires ». En réalité, les échanges continuent, en visioconférence, près de quinze jours après la découverte des crimes de guerre, jusqu’au 15 avril. Deux semaines de tractations qui ont transformé les grandes lignes fixées à Istanbul en un texte détaillé, long de dix-sept pages. À sa lecture, on mesure les priorités des deux camps, et l’ampleur des compromis auxquels ils étaient disposés pour faire cesser les combats.

Plutôt que des conquêtes territoriales, la Russie cherche à obtenir des garanties de sécurité à ses frontières, en posant dès le premier article la « neutralité permanente » de l’Ukraine, qui accepterait de renoncer à toute alliance militaire, d’interdire la présence de troupes étrangères sur son sol, de réduire son arsenal, tout en gardant la possibilité d’adhérer à l’Union européenne. En contrepartie, Moscou se serait engagé à retirer ses troupes des zones occupées depuis le 24 février, à ne plus attaquer l’Ukraine, et aurait consenti pour garantir cet engagement au mécanisme d’assistance réclamé par Kiev : en cas d’agression de l’Ukraine, les membres du Conseil de sécurité des Nations unies seraient engagés à la défendre.

Pourquoi les Ukrainiens ont-ils finalement quitté la table des négociations, alors qu’ils avaient poursuivi les discussions, malgré Boutcha, et que la paix semblait à portée de main ? Depuis deux ans, les indices pointent la responsabilité des États-Unis et du Royaume-Uni, qui, trop confiants dans la déroute de Moscou, auraient fermement rejeté le dispositif de protection imaginé par les négociateurs. « Quand nous sommes revenus d’Istanbul, Boris Johnson est arrivé à Kiev [le 9 avril] et il a dit : “Nous ne signerons rien avec [les Russes], continuons à nous battre” », relatait récemment le chef des négociateurs ukrainiens, M. David Arakhamia (2). Un récit contesté par l’intéressé, mais corroboré par une enquête du Wall Street Journal (3).

Les médias français, eux, regardent ailleurs.

Benoît Bréville

Ukraine : propagandes et idéologies à l’œuvre

La transcription de la conférence donnée par Daniel Zink le 27 octobre 2023 pour Liège-Décroissance :

Une des observations qu’on peut faire, par rapport à la guerre en Ukraine notamment, c’est qu’il est vraiment difficile d’en trouver des approches qui soient réellement globales, et qui soient réellement critiques sur les différents côtés concernés. Cela peut facilement échapper, car beaucoup – y compris des chercheurs, des essayistes, etc. –, beaucoup diront : « il y a de la propagande des deux côtés, des responsabilités des deux côtés » ; mais quand on creuse un peu, on se rend le plus souvent compte qu’en fait, les personnes concernées sont quand même concentrées sur les responsabilités d’un des deux côtés seulement.

Précisons à ce sujet que je ne fais pas du tout partie des gens qui, dès qu’ils sont face à un conflit, estiment forcément qu’il y a des responsabilités plus ou moins équivalentes des différents côtés concernés ; il est bien sûr tout à fait possible que, dans un conflit donné, l’essentiel des responsabilités se trouve d’un des côtés seulement. Précisons aussi que j’ai longtemps fait partie de ceux qui pensaient que les causes de la guerre en Ukraine n’étaient pratiquement que du côté de l’occident, et essentiellement bien sûr des USA. Il est évident que ce côté a des responsabilités énormes, dans ce conflit, mais, comme nous allons le voir, il est important de ne pas se limiter à ces responsabilités-là.

Autre observation : la dimension des idées ou idéologies intervenant dans ce conflit est globalement peu traitée ; or, cette dimension a visiblement des influences non négligeables. (Elle sera abordée dans la dernière partie de cette présentation, mais les éléments factuels présentés dans un premier temps seront également importants par rapport à cette dimension des idées, car ils contribueront fortement à en montrer la portée).

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Le climat dans le champ de tir
L’objectif « 2 % » de l’OTAN détruit le climatretour au sommaire

En 2022, les dépenses militaires mondiales ont atteint le niveau jamais atteint de 2,24 billions (mille milliards) de dollars étasuniens. Les pays membres de l’OTAN se taillent la part du lion avec plus de la moitié de ce total (1,26 billion). Malgré que les dépenses militaires de l’« ennemi du moment » (la Russie et ses alliés de l’Organisation du traité de sécurité collective – OTSC : Russie, Arménie, Biélorussie, Kazakhstan, Kirghizistan et Tadjikistan) ne représentent que 80 milliards de dollars (16 fois moins), l’OTAN a fixé l’objectif d’une augmentation des dépenses militaires telle que tous ses États membres devraient y consacrer au moins 2 % de leur produit intérieur brut (PIB).

Les efforts d’atténuation et d’adaptation au changement climatique souffrent d’un sous-financement chronique de plusieurs milliards de dollars, ce qui aggrave la crise climatique et ses répercussions sur les citoyens du monde entier. Les pays les plus riches, qui portent la plus grande part de responsabilité dans le dérèglement climatique, n’ont pas tenu leurs promesses de financement – déjà limitées – à l’égard de ceux qui sont confrontés aux conséquences les plus graves de ce dérèglement.

Le principal bénéficiaire des objectifs de l’OTAN est l’industrie de l’armement, qui a vu ses revenus, ses bénéfices et le cours de ses actions grimper en flèche. L’industrie fait pression pour que ces flux de bénéfices deviennent permanents, en exigeant des engagements structurels à long terme pour la production d’armes et en limitant les engagements environnementaux. Ce lobbying a porté ses fruits, comme en témoignent l’Acte de soutien à la production de munitions (ASAP) de l’UE pour 2023, le Plan d’action pour la production de défense de l’OTAN (2023) et le soutien de l’administration Biden à la production d’armements.

Ukraine, le béton médiatique se fissureretour au sommaire

Par Serge Halimi et Pierre Rimbert dans le Monde diplomatique d’octobre 2023

Google aurait, selon le New York Times, mis au point un robot capable de rédiger des articles de presse. Le traitement médiatique de la guerre en Ukraine suggère pourtant que les éditorialistes disposent d’une avance difficilement rattrapable en matière d’écriture automatique. En France, par exemple, une triade jusqu’au-boutiste formée par Le Monde, Le Figaro et Libération donne le ton et aligne, parfois au mot près, les mêmes mots d’ordre : « Céder face à Poutine signerait une défaite stratégique catastrophique pour l’Occident. (…) Les alliés de Kiev devront accélérer le rythme et la qualité des livraisons d’armes », proclame Le Figaro (10 août 2023). « Oui, cette guerre risque d’être longue. Le seul moyen de l’abréger est d’intensifier l’assistance militaire à l’Ukraine », confirme l’éditorialiste du Monde (18 août 2023). D’autant, insiste Serge July dans Libération (14 août 2023), qu’« il s’agit d’une guerre au cœur de l’Europe contre les régimes autoritaires, antidémocratiques qui privilégient la force et la tyrannie ». France Inter, LCI, BFM TV et la plupart des autres médias exécutent la même partition.

Déterminés à en découdre — mais à bonne distance des combats —, les maréchaux de l’information mobilisent leurs experts pour appuyer leurs analyses. Ce sont les mêmes qui patrouillent d’une antenne à l’autre : Thomas Gomart, François Heisbourg, Bruno Tertrais, Michel Duclos, etc. Mais Pierre Servent leur vole souvent la vedette. « Éditorialiste politique de TF1-LCI », « conseiller défense du Parisien  », il mériterait aussi de disposer d’un lit de camp dans les studios de France Inter tant il y est invité. Son approche scientifique évoque parfois Tintin au pays des Soviets. Il a accusé à plusieurs reprises les Russes d’avoir saboté leur propre pipeline Nord Stream 2, mais en précisant : « J’avoue que je n’ai pas de preuves pour ça » (LCI, 30 octobre 2022). Aucun risque cependant qu’on le juge « complotiste » ; l’étiquette est réservée aux critiques du discours dominant.

Source : www.monde-diplomatique.fr/2023/10/HALIMI/66206 (la suite est réservée aux abonnés).

Comment l’Amérique a mis hors service le gazoduc Nord Streamretour au sommaire

Par Seymour Hersh

Publié le 8 février 2023 sur SeymourHersh.substack.com sous le titre How America Took Out The Nord Stream Pipeline

Le New York Times a parlé de « mystère », mais les États-Unis ont exécuté une opération maritime clandestine qui a été gardée secrète – jusqu’à présent.

La décision de Biden de saboter les oléoducs est intervenue après plus de neuf mois de débats très secrets au sein de la communauté de sécurité nationale de Washington sur la meilleure façon d’atteindre cet objectif. Pendant la majeure partie de cette période, la question n’était pas de savoir s’il fallait effectuer la mission, mais comment l’effectuer sans que l’on sache ouvertement qui était responsable.

La propagande travaille à nous faire croire que nous sommes en guerre contre le malretour au sommaire

Avec Anne Morelli, sur la RTBF le 27 juillet 2023

Les responsables de l’émission de la RTBF Par Ouï-dire ont eu la bonne idée de recevoir Anne Morelli à propos de l’Ukraine et de la réédition cette année de son livre « Principes élémentaires de propagande de guerre (utilisables en cas de guerre froide, chaude ou tiède…) » (Aden, 222 pages, 2023).

Pour écouter, vous pouvez télécharger l’émission (et économiser de l’énergie) ou la regarder en diffusion continue (streaming) sur le site de la RTBF où vous trouverez aussi des extraits de l’interview.

L’autre côté de la véritéretour au sommaire

Par Daniele Ganser le 12 mars 2022

Sans la violation du droit international, il y a huit ans [en 2014], par le président américain Obama, l’invasion illégale de Poutine n’aurait probablement pas eu lieu.

Le 24 février 2022, le président russe Vladimir Poutine a donné l’ordre à son armée d’envahir l’Ukraine, violant ainsi l’interdiction par l’ONU du recours à la force. Cette invasion est donc illégale. Presque exactement huit ans plus tôt, le 20 février 2014, le président américain Barack Obama faisait renverser le gouvernement ukrainien, afin d’attirer le pays dans l’OTAN. Ce coup d’État est à l’origine de la guerre en Ukraine. Tout comme l’invasion de Poutine, cette action d’Obama enfreignait l’interdiction par l’ONU du recours à la force. Elle était donc illégale. Il est temps de ne plus se contenter de demi-vérités et de raconter l’histoire du conflit de manière complète et équilibrée […].

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